"La véritable œuvre d'Art possède une autorité immanente
désarmée, rayonnant en harmoniques de la Beauté
de l'homme. C’est pourquoi la responsabilité
de l’artiste est d’élever l'humanité
jusqu’en sa propre Beauté."
J.D.A.
la puissance de la musique rendue profondément oratoire.
Joachim BURMEISTER, Musica Poetica, 1606
L'Ensemble vocal et instrumental à géométrie variable Energeia, principalement orienté vers la musique ancienne, est un espace de recherche, de diffusion, de création et de formation supérieure. Cet ensemble est né d’une perception inédite des traités anciens qui conduit à une vision singulière : promouvoir une lecture des œuvres qui sache repérer et intégrer dans le « matériau sonore » l’énergie des affects. Ces affects - Affetti ou « Passions » - désignent nos « archétypes émotionnels » que les traités répertorient et codifient très précisément tel un réservoir de vocabulaire disponible pour la composition du discours sonore, représentation de l’Homme. La confrontation des différents traités allant de la seconde moitié du XVIème siècle à la fin du XVIIIème siècle confirme, en effet, qu’un même matériau peut et doit changer d’aspect et d’expression sonore selon le cadre dans lequel il est employé. Les Anciens attribuaient ainsi une énergie propre à chacun des éléments musicaux : tons, intervalles, harmonies, rythmes, silences, figures. Tous ces éléments s’influencent mutuellement. La représentation de l’affect préside à toutes les autres dimensions de la partition et les oriente. A ce titre, la réitération à l’identique d’une cellule mélodico-rythmique ne peut donc être qu’exceptionnelle. Il est impossible de dire deux fois semblablement : « je t’aime ». Tous les possibles expressifs sont suscités, dans une grande liberté de contrastes, dynamiques, tempi, couleurs, modes de représentation sonore. Au final, cet angle de lecture induit les transformations incessantes et nécessaires des éléments constituant le propos musical, dans un discours sonore clairement émancipé d’un certain « diktat solfégique » hérité des XXème et XXIème siècles ! In fine, cette intelligence musicale veut induire, par nature, une « éloquence efficace » provoquant l’émotion qui, d’une certaine façon, nous dévoile un peu plus les profondeurs de notre être. J.D.A.
Interpréter et faire entendre aujourd'hui les musiques de l'époque du baroque européen n'est en rien sacrifier à un goût dominant de notre époque, se couler dans un esprit du temps. De la part de l'Ensemble Energeia, avoir choisi d'approfondir ce répertoire d'œuvres denses et exigeantes ne relève d'aucune complaisance à l'égard de ce qu'il serait facile de regarder comme une mode. Car à vouloir retrouver l'esprit sous la lettre des documents anciens, il faut une considérable érudition, certes, mais davantage encore aussi cette indispensable intuition sans laquelle la connaissance des textes resterait vaine. Science sans conscience ne sert de rien. Et cette conscience, c'est celle de ce que cette musique porte de valeurs humaines et spirituelles en même temps que d'émotion. Si l'ineffable beauté des concerts de Schütz ou des madrigaux de Monteverdi, des odes de Purcell ou des motets de Charpentier est aujourd'hui susceptible de nous toucher à ce point, c'est d'abord que cette musique est théâtre du monde et représentation de l'homme. L'homme, dans les limites de sa condition et la grandeur de sa liberté. Elle est épanouissement de l'être, elle nous interroge, elle suscite notre réflexion, questionnement existentiel de l'être pensant sur le monde et sur lui-même. La pratiquer, en la chantant, en la jouant ou tout simplement en la partageant dans une écoute active, c'est vivre une expérience humaine unique, une façon nouvelle de sceller sa relation avec autrui. Actuelle, elle l'est plus qu'elle ne l'a jamais été. Car c'est bien au présent de notre vie intérieure qu'elle nous renvoie. Gilles Cantagrel
Extrait du concert du 24 mai 2012 à l'Institut Français de Rome |